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Un webinaire inédit avec deux approches complémentaires d’apprentissage et d’éducation des adultes

31 May 2023 | MOJA ALE

MOJA Africa Webinar

Le 23 Mai 2023, le projet Continental Africain (ACP) de DVV-International a organisé un webinaire (séminaire en ligne) autour de deux (2) articles rédigés par les auteurs Madame Monia Mannia, de la Tunisie et Monsieur Laya Boni, du Bénin. Le séminaire a réuni 48 participants au total pendant deux (02) heures de temps et a porté sur les thèmes suivants :

  1. Apprentissage basé sur les signes et les symboles : l'approche Sémio-Didactique (ASD)
  2. L’éducation des adultes, un outil efficace de prévention et de gestion des conflits

L’article de Madame Monia Mannia met en évidence la marginalisation, la pauvreté et l'analphabétisme des femmes dans les zones forestières rurales. Il a souligné la nécessité d'investir dans le capital humain et de valoriser les ressources naturelles pour favoriser le développement et améliorer les conditions de vie de la population locale. L’article est une étude montrant comment l'utilisation de la sémiotique a permis à des femmes analphabètes d'acquérir des compétences professionnelles dans la distillation des plantes aromatiques et médicinales. Les formations se sont déroulées de manière interactive et participative, en utilisant un langage de signes et de symboles adaptés aux apprenantes. Cette approche a permis aux femmes de mémoriser les différentes étapes de la distillation et d'obtenir des produits de qualité, tout en favorisant leur autonomie et leur intégration économique dans des territoires souvent oubliés.

L’article de Monsieur Laya Boni met l’accent sur le rôle de l'alphabétisation et de l'éducation des adultes dans la gestion et la prévention des conflits meurtriers entre agriculteurs et éleveurs au Bénin. Il a également mis en exergue comment est-ce que la mise en place des cercles REFLECT pour promouvoir la compréhension des textes de lois sur le pastoralisme a contribué à la gestion non violente des conflits. Ces cercles ont contribué à la cohésion sociale et à la paix entre les communautés et ce en formant des facilitateurs et en diffusant des connaissances aux apprenants.

Les cercles REFLECT ont favorisé le dialogue avec d'autres communautés en situation de conflit, réduisant ainsi les conflits dans les zones concernées. Les facilitateurs utilisent des outils tels que des boîtes à images pour enseigner les textes de loi, la cohésion sociale et la prévention des conflits.

Les apprenants deviennent des ambassadeurs de la paix et participent aux cadres de concertation avec d'autres communautés. Les forces de sécurité collaborent également avec les cercles pour sensibiliser les populations à adopter de bons comportements citoyens et résoudre les conflits de manière pacifique. Les apprenants acquièrent des compétences en communication sensible au conflit, renforçant ainsi la collaboration entre éleveurs et agriculteurs. Ces formations permettent aux apprenants de comprendre et d'interagir avec leur environnement, contribuant ainsi efficacement à la prévention et à la gestion des conflits dans leur milieu.

Des présentations ci-dessus, s’en sont suivies diverses questions et des contributions de la part des participants. A la question de l’originalité de l’approche sémio-didactique par rapport à l’approche REFLECT et sa valeur ajoutée, Madame Monia Mannia répondra qu’elle partage les mêmes outils de la MARP avec l’approche REFLECT et qu’elle permet un développement cognitif et une conscientisation des apprenants (l’apprenant a la main sur le savoir, dira-t-elle).

L’approche a également l’avantage de dispenser un apprentissage avec des groupes diversifiés et de différents niveaux de compréhension. Selon Madame Monia Mannia, l’approche a été développée suite à une recherche collaborative, elle est donc le fruit d’une longue expérience vécue au sein des ONG dans l’encadrement et la formation des femmes rurales au Nord de la Tunisie, des cibles majoritairement non-scolarisées, aux revenus stables avec des savoirs agricoles.

Est-ce que cette approche peut être utilisée convenablement pour l’alphabétisation fonctionnelle, a demandé un participant ? L’auteur répondra que l’approche utilise bien un champ lexical qui est développé à partir du tableau des moyens de communication conventionnels à partir duquel également sont construit des phrases pour les cours d’alphabétisation. Un autre participant a demandé quelles sont les techniques proposées pour la construction des signes, comment se fait donc la co-construction ? Selon, Madame Monia Mannia l’approche est basée sur la technique de l’appropriation ; ce sont les femmes elles-mêmes qui développent, coconstruisent les signes, et les dessins, ensuite les valident ensemble pour en faire une connaissance acquise et partagée.

Une question capitale fut posée par un participant de la Tunisie à savoir comment est-ce qu’avec cette approche sémio-didactique parviendra-t-on à collaborer avec un groupe de femmes faiblement scolarisées ayant des prérequis variés et provenant de milieux économiques et socio-culturels défavorisés. Comment construire avec elles un programme de formation non-formelle et un protocole adapté à leurs besoins individuels, permettant ainsi de maîtriser l’utilisation d’équipements modernes tels que le distillateur et les techniques de dosage ? L’auteur répondra que le groupe de femmes ciblées est hétérogène et qu’il n’y’a pas de bons dessins et symboles et de mauvais. L’apprentissage se fait à travers une co-construction et une co-validation. L’ensemble du processus est itératif et participatif.

Des participants ont demandé si l’approche sémio-didactique peut-être répliquée ailleurs en Tunisie et en Afrique, dans les milieux ruraux au niveau des mêmes cibles de femmes. L’auteur a répondu qu’effectivement cette réplication est bien possible, toute chose qui a été confirmée par une participante de l’Algérie qui a expliqué comment l’approche est utilisée par leur Association auprès des femmes qui font la production et la commercialisation de fromages et qui ne disposent d’aucune compétence instrumentale (savoir, lire, écrire et calculer).

Enfin, une participante du Bénin a demandé si l’approche sémio-didactique a déjà fait l’objet d’une évaluation ? Depuis combien de temps est-elle expérimentée en Tunisie ? Madame Monia Mannia a répondu que l’approche sémio-didactique est expérimentée en Tunisie depuis 2016, mais pour le moment elle n’a pas fait l’objet d’une évaluation.

Après la présentation de Monsieur Laya Boni, les participants ont également posé beaucoup de questions et ont fait de très utiles contributions. C’est ainsi qu’un participant du Togo a demandé si l’approche est également utilisée au Bénin dans la gestion du problème actuel et récurrent du terrorisme dans les parties septentrionales du Bénin, du Togo et du Burkina. L’auteur a répondu que l’approche est bien utilisée par les forces de défense et de sécurité (FDS) au Bénin. L’ONG POTALMEN a fait la formation des commissaires de police au Bénin et leur a remis des boîtes à outils et des guides pédagogiques.

Une participante de la Tunisie dira que l’approche REFLECT n’est pas, à son avis, vulgarisée en Afrique du Nord. Et ensuite, elle a demandé comment cette approche est utilisée dans l’alphabétisation et dans la prévention et la gestion des conflits. L’auteur a répondu que l’approche REFLECT est une approche participative qui utilise des outils de la MARP pour animer, alphabétiser et former, souvent à travers une animation à partir des symboles et des objets et ensuite on associe l’image aux symboles et aux objets pour faire des représentations. Bref c’est une approche communautaire de développement. Monsieur Laya Boni dira également que résoudre la problématique de savoir lire, écrire et calculer, permet aux populations ciblées par l’approche REFLECT de comprendre le contenu des textes de lois et de les vulgariser éventuellement, autrement dit l’alphabétisation participe à la prévention et à la gestion des conflits.

Monsieur Laya Boni a également expliqué qu’avec la compréhension des textes de lois à travers l’alphabétisation, les paysans nourrissent un sentiment de remords par rapport aux actes violents qu’ils ont posé par le passé en méconnaissance des textes. Ils deviennent donc conscients de tous les torts qu’ils ont causés et donc avec les cercles REFLECT, ils deviennent tolérants. L’approche REFLECT, selon lui, part d’un diagnostic participatif qui permet d’identifier les problèmes, envisager des solutions et les mettre en œuvre ensemble. Il finira par informer les participants que l’approche REFLECT est utilisée depuis 2011 par l’ONG POTALMEN au Bénin pour les sessions de formation et les actions de prévention et de gestion de conflits et des initiatives sont en cours d’étude pour son utilisation dans la formation professionnelle.

D’autres participants ont demandé si l’approche est utilisée dans d’autres activités en dehors de la vulgarisation des textes de lois. L’auteur a répondu qu’elle est également utilisée dans les débats informés multi-acteurs (services techniques, éleveurs, agriculteurs, commissaires de police, etc. …) de même que dans l’animation des espaces de dialogue multi-acteurs. En conclusion, l’auteur a témoigné que l’utilisation de l’approche REFLECT a contribué a augmenté le taux de scolarisation des enfants dans les ménages des apprenants, l’abandon du mariage précoce et d’autres pratiques néfastes.

Au terme des échanges, les participants ont tous noté qu’il existe des similitudes et des complémentarités entre les deux approches. Les approches « sémio-didactique » et « REFLECT » sont des approches participatives de développement communautaire. Les deux approches utilisent la méthode de conscientisation pour susciter des changements sociaux chez les apprenants. Elles utilisent également les mêmes techniques de conceptualisation, de représentation et de symbolisation. Et enfin, les deux approches utilisent les outils de la MARP et s’adressent aux adultes non-scolarisés (apprentissage et éducation).

Monia Mannai

Approche Sémio-didactique

Qui est Monia Mannai ?

Monia Mannai est chercheuse en sciences de l’éducation et en éducation des adultes, et plus particulièrement l’apprentissage dans des contextes non formels. Elle est actuellement doctorante à l’Institut Supérieur de l’Education et de la Formation Continue (ISEFC). Elle est membre fondateur et Vice-Présidente de DVV International en Tunisie, Présidente de l’Association du Développement Durable et Equitable (ADDE), consultante en éducation des adultes et animatrice dans la valorisation des plantes aromatiques et médicinales

Laya Boni1

Approche REFLECT

Qui est Laya Boni ?

LAYA Boni né en 1973 à Perma, Bénin dans une famille d’agro-éleveurs modeste de 08 enfants. Il a suivi ses études au premier Cycle du Collège, respectivement à l’EPP Perma Groupe A, au CEG de Perma, au Lycée HOUFFON d’Abomey et à l’Université d’Abomey-Calavi. Il est titulaire d’un Master en gestion de risque et catastrophe et d’un Master en Géographie et gestion de l’environnement. LAYA Boni, à l’instar des enfants de son milieu caractérisé par le pastoralisme a appris à conduire les troupeaux au pâturage tout en conciliant cela avec ses études. Avec les difficultés de scolarisation en milieu pastoral, il a eu la chance d’être récupéré par les sœurs de la Congrégation des sœurs de Saint Augustin. Ce qui lui a permis d’évoluer dans ses études. Depuis 2004, employé à l’ONG ONG POTAL MEN, il travaille dans la prévention des conflits, la cohésion sociale et la consolidation de la paix.